Elsom Collection #2 - L'effet boomerang

C'est en tombant sur une véritable anthologie de la mode néo zélandaise et australienne ( publié chez Thames & Hudson) que j'ai pu découvrir une poignée de marques déjà célèbres ou encore inconnues dans l'hexagone. La plupart de ces maisons semblent tenir à des codes bien précis comme cette attention toute particulière portée aux coupes , détails et matières nobles . La qualité prime sur l'esthétique , laissant souvent aux placards imprimés et couleurs jugés superflus .



Rigueur et sobriété semblent des valeurs importantes en Océanie , nonobstant le côté festif et sauvage qu'on peut facilement associer à ces contrées exotiques. Parmi les enseignes qui respectent à la lettre tous ces critères , Elsom , label écologique bien décidé à alléger au maximum notre garde-robe. Des basiques résistants pensés comme du sportswear tout terrain , plus adapté aux randonnées dans les Arkaringa Hills qu'aux flâneries à Sydney . Pour rejoindre la ville , paillettes nonchalantes et tennis légères viennent combiner ces ensembles industriels curieusement très naturels , décliné pour hommes et femmes. Un effet boomerang typiquement australien .

Rudi Gernreich : Mr Monokini

L'histoire de la mode regorge de personnalités plus ou moins dégénérées aux actes singuliers.

Aux grandes heures de Courrèges ou Pierre Cardin en France , ou de la polonaise Barbara Hulanicki ( Biba) en Angleterre , difficile de s'improviser tailleur de demain . Le style fonctionne à l'époque par mouvements de foule : si le pantalon pattes d'éléphant est au goût du jour , aucune alternative n'est à priori discutable.

Un viennois à l'homosexualité exacerbée ( fait marquant pour l'époque) viendra pourtant encanailler les Cardinettes en bravant les codes de bien séance et de pudeur textile. Émigré à 16 ans à Los Angeles afin d'échapper aux nazis ( qui firent des homosexuels des cibles antisémites comme les Juifs ou les handicapés) , le jeune Rudi s'épanouit d'abord comme danseur au sein de la compagnie de Lester Horton.

De fil en aiguille , l'autrichien passe de l'atelier à la confection de patrons avant de faire plusieurs rencontres décisives . Le mannequin Peggy Moffitt dans un premier temps , une héroïne tout droit sortie d'un théâtre kabuki , célèbre pour sa coiffure signée Vidal Sassoon et ses faux cils géants en passant par son apparition dans le célèbre long métrage de William Klein "Qui êtes vous Polly Maggoo?".

L'ex actrice star des Swinging sixties ne tarde pas à devenir sa muse et incarna pendant plusieurs décennies l'esprit Gernreich . La seconde rencontre décisive du styliste fut celle du photographe William Claxton , grande figure du genre originaire de Pasadena , qui immortalisa Steve McQueen ou Chet Baker avant de tomber sous le charme de l'étrange Peggy Moffitt qu'il captura portant toutes les créations de Gernreich.

Créant la controverse dans son sillage , la signature de Rudi prône une certaine irrévérence futuriste. Inventeur du monokini mais aussi du pubikini ( le terme se passera d'explication) , ce co-fondateur de la Mattachine Society ( l'une des première association luttant contre l'homophobie aux Etats-Unis) aime découvrir sans sombrer dans la vulgarité Play Boy . Une esthétique à laquelle semble rendre hommage le clip de Kylie Minogue ( Can't get you out of my head) trois décennies plus tard.

Son goût pour la science fiction est flatté par la création des costumes de la série Space 99 , terrain de jeux idéal pour ses ensembles en vinyle et plastique toujours ultra graphiques et flashy . Une carrière fulgurante pour celui qui se reconvertit dans les dernières années de sa vie dans l'élaboration de soupes gastronomiques , dont sa spécialité au poivron rouge : un véritable bouillon haute couture au caviar et parfumé au citron .

A sa disparition en 1985 , Peggy Moffitt reprit les rennes de la marque dans le plus grand respect , organisant rétrospectives ou publiant divers ouvrages sur le travail de Rudi . En 2003 ce fut Rei Kawakubo , cerveau de Comme des Garçons qui participa à la résurrection d'archives Gernreich qui furent réedités sous le nom de l'enseigne japonaise.

Something Else P/E 2011 : COURT TOUJOURS

Une fois n'est pas coutume , Nathalie Wood ( également aux commandes de la griffe Insight , référence mode des sports de glisse ) a pris soin d'esquisser autre chose pour l'été prochain , une collection qui évolue librement sans se soucier des diktats des podiums que ce sont (laborieusement) appropriés nombre de marques abordables.

Rafraîchi pour l'hémisphère nord , ce nouvel opus oublie collants et manches longues et prédit un été sombre et dégingandé , principalement constitué de minis robes ,sarouels urbains ou tee-shirts lâches , le tout toujours hautement perché.

S'auto-qualifiant d'edgy (nerveuse) , S.E semble toute destinée à une génération égarée ( la collection s'intitule Middle of Nowhere) nourrie aux auteurs maudits , aux soirées downtempo et aux décuvaisons sans fin sous la pluie .

SOMETHING ELSE

Minimarket : Vénération suédoise

Inutile de le préciser : je suis accro aux marques nordiques , notamment le diptyque suédois/danois . Des labels très bien taillés ( fait rare !) , créatifs mais aussi hors de prix ( si l'on excepte le géant portant le nom d'un magazine de routiers sans F ) . Ne résidant ni dans un nid à friperies , ni dans un secteur de destockeurs fans d'Acne , je peux encore rêver et afficher cet eternel air dépité devant les ersatz de podiums proposés par ces points de vente espagnols , envahis d'étranges créatures interchangeables (longue chevelure de poney , 1m75 et 45 kilos et cet air péteux ou constipé apparemment "hype" ) .