Mode itinérante : Israel ( Tel Aviv ) - Sarah Braun

A la fois contemporaine et classique , la mode israélienne semble avoir été contaminée par l'obsession minimaliste nordique . A l'exception de ces tenues aux tissus très légers que la Suède ne peut pas franchement se permettre faute de température , ce qui fait en définitive la particularité de la nouvelle collection de Sarah Braun . Coupes fluides , clins d'oeil nomades ( tunisiennes , pantalons de harem) et rigueur en noir et blanc . Le contraste est total face à l'explosion de couleurs vue en Europe .

Mode itinérante : #1 Pologne

A Varsovie , à l'occasion de la fashion week polonaise , la mode n'a jamais autant fait vibré les médias . L'engouement est tel que l'honorable site Fashion Mag épingle pour la première fois cette micro semaine de la mode dans sa rubrique défilés internationaux .

Mais quelle est la définition du style au pays de Polanski , Kieslowski ( réalisateur de la série Bleu , Blanc et Rouge ) ou de la fascinante star du muet Pola Negri ?

Même en 2010 , les créateurs peinent toujours à se libérer du carcan que représente le passé totalitaire national , et ce en dépit des effronteries proposées sur de nombreux podiums .

Une certaine tristesse émane de ces défilés souvent très studieux , affirmant bien qu'ici le style n'est pas une question de marketing mais bien un moyen d'expression à part entière . Car la Pologne a sû échapper à la crise , continuant à développer son processus créatif pendant que le quatuor Londres/Paris/Milan/NY voyait la vie en noir .

Les designers racontent l'histoire du pays à travers les étoffes , les coupes , cartographient , imagent leur patrimoine à l'aide du textile . La reconstruction est toujours en cours , mais semble avoir franchi un autre pallier cette année. Diversité , émotions , palette de couleurs est-ivale et traditions graphiques sont les leitmotivs de l'été prochain .

Le défilé Maldoror explore la notion de chaos en le conjuguant à des matières élégantes.

Chez Agata Wojtkiewicz , la délicatesse des couleurs et imprimés se mêle aux coupes torturées et plus expérimentales. Une fusion tempérée avec talent .

Ewelina Klimczak imagine des silhouettes nomades et visiblement allergiques aux codes de l'été ( luminosité , couleurs et pièces dénudées ) .Un rafraîchissement futuriste qui rappelle aussitôt la logique de Rad Hourani ou de Rick Owens .

Le show MMC s'avère l'un des plus portables de cette fashion week. Les pantalons géants et les grandes vestes faussement approximatives conférant cette allure dégingandée typiquement 90's . ( le look sans esbrouffe le retour !)

Le meilleur défilé de cette saison polonaise serait peut-être celui d'Ania Kuczynska , jeune prodige inspirée par des icônes bien définies , des femmes de tempérament ( Diane Keaton/Annie Hall , Edith Bouvier Beale , Monica Vitti ou Anna Magnani ) .

La styliste est surtout influencée par son entourage , les événements , les objets qui affectent sa propre vie : les livres , les parfums , les sculptures , et autres expériences foisonnantes.

Chacune de ses collections est ainsi un hommage à des personnalités qui lui sont chères , proches ou non : des filles du tsar Nikolai à la fille d'une amie , Mia , vêtue de vieilles chemises de nuit et autres pièces rétros à la fois sophistiquées et fragiles .

Pour l'hiver 2009 , Ania s'était cette fois ci aidée de la typographie d'un ami sicillien : Cattarrato . " Pour émerger , rien ne vaut une approche personnelle , intime , explique l'intéressée , c'est un peu comme ces designers japonais surgis de nul part qui ont passionné soudainement le monde de la mode dans les 80's par leur style novateur et leurs inspirations complètement abstraites pour l'époque" . Ania Kuczynska , retenez ce nom .

La photo de mode locale n'est pas en reste : le photographe Kamil Zacharski est un peu une sorte de Cobra Snake de l'Est et le travail de Marcin Tyszka apparait régulièrement dans les pages de Vogue ou Elle . A voir également : Szymon Roginski et Kasia Korzeniecka ( qui ont d'ailleurs travaillé tous deux sur le lookbook d'Ania Kuczynska - prononcer ces noms relève d'une certaine gymnastique d'élocution je vous l'accorde) .

Les polonais sont finalement comme tous les autres Européens : ils raffolent de vintage , de friperies. Surowce Wtorne ( !!) est un bel exemple du genre : spécialisé dans le recyclage de pièces rétros. Un principe écologique , économique mais également à cachet authentique . Une pièce cobalt portée par une actrice en 1964 a en effet plus de valeur qu'une veste Zara fabriquée à la chaîne ...

Patinée par le temps , cette garde-robe kitsch qui n'a rien à envier à Urban Outfitters connait un franc succès sur la toile mais aussi à Varsovie . L'ambiance campée sur le blog de la marque est à l'image de ces vêtements : nostalgique ( Fleet Foxes à the Carter Family en passant par Grizzly Bear et des vieux extraits de la Famille Adams ) et esthète ( voir les shootings proposées par la griffe elle-même , ambiance chillwave ) .

Charlotte Taylor A/H 2011

C'est en flânant sur le site de la boutique britannique Coggles que je tombe sur les pièces Charlotte Taylor , cocktail de robes explosif qui donnent immédiatement envie d'en savoir plus.

Diplomée de la St Martins School ( le passe droit à la gloire semble t-il dans l'univers de la mode) , cette jeune styliste a été repérée par Luella Bartley avant même la fin de son cursus. Après avoir assisté Marcus Constable et nombre d'autres marques anglaises , Charlotte prend son envol et dessine une collection ultra graphique dont les silhouettes avant garde et ludiques rappellent Minimarket et les imprimés régressifs Giles Deacon ( pingouins et rayures intempestives ) . Les pantalons se ferment comme des kimonos taille haute et les robes voltigent dynamisées par des doublures colorées. Le lookbook de cet hiver parle de lui-même , un festival de canotiers et néos pantalons de cirque juchés sur des talons démesurés . Génial .

Paris Texas

Zoo Magazine Fall Winter 2010

Le joyeux monde de Stella ( Mc Cartney )

Chez Stella Mc Cartney , tout est possible , peut se révéler être d'un grand chic jusqu'ici insoupçonné . Dernières réinterprétations en dates ? Le k-way Devo/Coustaud jaune poussin , l'ensemble pamplemousse habituellement réservé à nos plus belles serviettes de tables ou encore les longues jupes à fronces fleuries réservées aux grandes filles cul-cul qui semblent enfin se décontracter . Belle prise de risque !

Collection du jour : Tous accros à Kenzo

Givenchy invoque le style outre tombe

La plupart des collections Givenchy dégagent quelque chose de malfaisant , les filles ressemblent à des prédatrices , des araignées osseuses tissant leur toile en dentelle , voile et gaze , recouvertes d'une carapace en brocart et de griffes en zips tempétueuses . Gothiques , inaccessibles , ces créatures toutes droit sorties de l'imagination de l'honorable maison française obsèdent autant qu'elles effraient . Tout est dans l'art du détail , sinon chaque tenue refléterait une piètre allure de sorcière de luxe , une poupée vaudou sur laquelle il est facile de planter ses aiguilles . De fil en aiguille justement , on découvre où celles-ci ont progressé jusqu'à mener cette danse fluide et obstinément séductrice , un caractère qui a forgé l'identité Givenchy depuis plusieurs saisons déjà . On aime , on hait , il est inutile de faire un choix , ce genre de silhouettes appartient à un autre univers ... Des milliers d'euros sonnant comme un sacrilège .

City girl goes to the mountains and winds up with more than just her head in the clouds ( Commuun P/E 2011 )

Undercover P/E 2011

Il est des collections dont on parle beaucoup ( trop) : Chanel , Balenciaga et tutti quanti . Sous la crème fouettée que représente la strate des designers branchés se cachent encore quelques petites maisons , d'irréductibles enseignes à l'identité bien racée . Résolument atypique , Undercover joue de son image d'outsider , proposant un style marginal aux inspirations moins magistrales ( ici il est question d'un comic strip de gare ). Là où les plus grands se contentent bien souvent d'un décor dépouillé , Takahashi bâtit une petite forteresse autour de ses mannequins , une décharge ambiance Kraftwerk qui révolterait Vivienne Westwood . Telles des géantes , les modèles évoluent en semblant de pantoufles à talons en fourrure ( en écho à leurs boucles d'oreilles ) , munies de grands sacs en toile et de gavroches "industry" . Clin d'oeil à la nouvelle ère technologique où l'habillement rejoint quasiment l'apareillage , une armure à la fois passe partout et valorisant l'individualisation . On pourrait traverser des déluges vêtus en Undercover . La marque voudrait-elle prendre position au sujet de la question environnementale ? Résistance , allure sans âge , sans vélléité de s'inscrire dans un genre particulier , Undercover est bien une couverture , un masque qu'on arbore pour affronter les obstacles du quotidien . Et pourtant la griffe nippone s'avère plus que singulière ...

WUNDERKIND : Paradigme marginal

Pour l'été prochain , les "enfants prodiges" de la mode ont campé des héroïnes mi folkloriques mi esthètes , des adeptes d'un concentré avant-garde berlinois et d'une audace délicieusement régressive . Imprimés fruités ( décidément un lieu commun cette saison ) , robes virevoltantes pour éternelles jeunes filles et talons compensés , la demoiselle Wunderkind scrute ce monde qu'elle juge sans doute trop fade juchée sur son pied d'estal , ne craignant aucunement les critiques . Couettes Edelweiss , corsages et collants rayés, la panoplie de Charlotte aux Fraises déglinguée est au complet . Une provocation enjouée fascinante même si la portabilité de ces accoutrements loufoques peut laisser dubitatif ... Wunderbar !

Sarah Burton - To Mc Queen

A l'heure où la mode est encore au deuil , remuée du suicide de l'un des créateurs les plus brillants de la planète , reprendre le flambeau d'une maison si inestimable s'avère une tâche ardue . Sarah Burton respecte infiniment le travail de l'illustre maestro sans pour autant tenter de calquer son imparable sens de la démesure , du spectacle frisant à chaque saison la fantasmagorie stylistique . C'est ainsi une collection sans artifices sensationnels qui fut dévoilée à la lumière de jour , les vêtements en eux-même n'en demeurant pas moins majestueux . Il n'est ici plus question de couture , mais bien de haute couture , du prêt à porter haute voltige, ce genre d'étoffes qu'on ose toucher , voire porter tant chacune de ces pièces s'apparentent à des toiles précieuses . Un été piquant se profile alors à l'horizon , nimbé de robes folkloriques , compositions grandioses voilant et dévoilant le corps à l'infini , rythmé par un art de la mesure irréprochable .

Comme une pulsation , chaque tenue découle en toute cohérence de la précédente , les robes finales rappelant incontestablement la magnificence des plus belles créations du génie disparu , apparitions sublimes qui gravent les esprits . Atlantis , Toréador , prestidigitations surréaliste à plumes ou à peaux , clins d'œil baroques ... c'est un brillant hommage que livre ici Burton , comme une rétrospective d'une jeune élève admirative tout à fait apte à continuer le travail de ce surdoué torturé qui semble toujours hanter les catwalks ... et ce sans jamais le remplacer mais en conservant cette douce mégalomanie textile qui a fait sa spécialité , la magie de la mode en somme .

Cacharel P/E 2011

"Il n'y a que les femmes qui ne savent pas s'habiller qui craignent la couleur . On peut être éclatante sans vulgarité et douce sans fadeur " Proust

Haider Ackermann P/E 2011